La maladie de Behçet est une affection auto-immune chronique qui se manifeste par une inflammation des vaisseaux sanguins. Quels en sont les symptômes ? Comment est-elle diagnostiquée et traitée ? Voici une explication fournie par David Saadoun, professeur de médecine interne à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et spécialiste des vascularites systémiques.
La maladie de Behçet est considérée comme une pathologie peu fréquente en Europe, avec une prévalence estimée entre 7 et 10 cas pour 100 000 personnes. Elle est observée dans le monde entier mais est surtout répandue dans les zones de l’ancienne Route de la soie, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est, en particulier entre la Chine et la Turquie.
La maladie de Behçet, nommée d’après le dermatologue turc Hulusi Behçet qui l’a identifiée en 1937, est une vascularite systémique affectant divers organes. Elle se caractérise par des aphtes buccaux et/ou génitaux répétés, des lésions cutanées, des problèmes oculaires, articulaires et, dans les cas les plus graves, des complications neurologiques et cardiovasculaires.
« L’aphtose buccale est très commune, explique le Pr David Saadoun. Le diagnostic peut être évoqué lorsque ces aphtes sont fréquents et accompagnés d’autres symptômes tels que des aphtes génitaux, des douleurs articulaires inflammatoires et des éruptions cutanées. »
Cette affection touche généralement les jeunes adultes, hommes et femmes confondus. « Elle peut apparaître chez les jeunes, mais se déclare souvent entre 18 et 40 ans », ajoute le spécialiste.
Aphtes génitaux, atteinte oculaire, douleurs articulaires : quels sont les symptômes ?
La maladie de Behçet évolue par crises et présente une large gamme de symptômes, parmi lesquels :
- des aphtes buccaux et/ou génitaux fréquents ;
- des éruptions cutanées de type pseudo-folliculite sur le dos, le tronc et les cuisses (petites pustules) ;
- un érythème noueux : apparition de nodules rouge sombre, douloureux, sur les jambes ;
- une atteinte oculaire : uvéite postérieure (inflammation des tissus intra-oculaires menaçant la vision), vascularite rétienne (inflammation des vaisseaux rétiniens) ;
- des douleurs articulaires inflammatoires touchant les grosses articulations (genoux, poignets, coudes, chevilles) ;
- des douleurs musculaires ;
- de la fatigue.
Et dans les cas les plus graves :
- une atteinte du système nerveux (maux de tête sévères, paralysie partielle, faiblesse musculaire…) ;
- une inflammation des méninges (méningite) ou du cerveau (encéphalite) pouvant laisser des séquelles ;
- une atteinte vasculaire (thromboses veineuses, anévrismes, complications cardiaques).
« Les atteintes des muqueuses, de la peau et des articulations sont les plus courantes, souligne le Pr David Saadoun. Elles sont très gênantes au quotidien pour les patients mais ne présentent pas de risque vital. Toutefois, dans les formes les plus sévères (20 à 40 % des cas), la maladie de Behçet peut causer des séquelles fonctionnelles (perte de la vision), des séquelles neurologiques ou même menacer la vie lorsque les vaisseaux ou le système nerveux central sont impliqués.»
Quelles sont les causes de cette maladie auto-immune ?
Les causes précises de la maladie de Behçet sont encore inconnues aujourd’hui, mais certains facteurs génétiques et environnementaux semblent jouer un rôle dans son développement. « Il existe un terrain génétique, affirme le spécialiste. Bien que la maladie de Behçet ne soit pas héréditaire, on observe des cas familiaux. On sait également que sa prévalence est nettement plus élevée dans certaines régions, particulièrement dans le bassin méditerranéen, en Asie et au Moyen-Orient. »
Des chercheurs ont suggéré qu’une infection provoquant une réponse anormale du système immunitaire chez des individus prédisposés pourrait contribuer à l’émergence de la maladie.
En outre, cette pathologie auto-immune est significativement associée à l’antigène HLA-B51. « Cependant, seulement 50 % des patients atteints de la maladie de Behçet possèdent ce gène, tempère le Pr David Saadoun. Environ 15 % des personnes dans la population générale le portent aussi, sans pour autant développer la maladie. »
Maladie de behçet ? Comment la diagnostiquer ? Quels sont les critères diagnostiques ?
La diversité des manifestations de la maladie de Behçet peut parfois conduire à un diagnostic erroné.
« Il n’est pas facile de diagnostiquer cette maladie car il n’existe pas de marqueurs biologiques spécifiques, confirme le spécialiste. Le diagnostic repose sur un ensemble d’arguments cliniques, appuyés par des examens radiologiques ou ophtalmologiques, nécessitant une expertise médicale approfondie. Par exemple, une atteinte oculaire nécessite une consultation spécialisée car les caractéristiques de l’inflammation sont très évocatrices du Behçet. »
Un scanner (TDM) ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) peuvent être requis en cas de complications vasculaires ou neurologiques. Des analyses de sang peuvent aussi révéler la présence d’une inflammation (augmentation de la CRP et de la vitesse de sédimentation).
Quel médecin consulter pour la maladie de Behçet ? Comment est-elle prise en charge ?
En général, la prise en charge de la maladie de Behçet se fait au sein d’un service de médecine interne dans un contexte hospitalier. « Comme c’est une affection multisystémique, l’interniste est le mieux placé pour coordonner le traitement en collaboration avec d’autres spécialistes, tels qu’un ophtalmologiste pour les complications oculaires ou un dermatologue pour les manifestations cutanées, » explique le spécialiste.
Est-il possible de guérir de la maladie de behçet ?
Actuellement, aucun traitement ne permet de guérir définitivement la maladie de Behçet. Les médicaments disponibles visent à contrôler l’inflammation et à prévenir les rechutes.
Anti-inflammatoires, immunosuppresseurs : quels sont les traitements ?
Le traitement principal repose sur l’utilisation de médicaments immunomodulateurs. « Notre gamme de traitements est adaptée en fonction de la gravité de la maladie et des organes touchés, précise le Pr Saadoun. Par exemple, pour les manifestations cutanées et articulaires, nous évitons l’usage systémique de cortisone. En première ligne, nous privilégions la colchicine, très efficace pour contrôler les aphtes et les douleurs articulaires, ou des thérapies ciblées si nécessaire. »
Pour les formes « cutanéo-muqueuses » plus résistantes, des médicaments tels que l’apremilast, l’ustekinumab ou des agents anti-TNF alpha peuvent être employés.
« Les formes les plus sévères nécessitent l’utilisation de corticoïdes systémiques et d’immunomodulateurs, conclut le médecin interniste. Les biothérapies, notamment les anticorps anti-TNF alpha, se sont révélées très efficaces pour traiter les complications les plus graves de la maladie. »
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