Le syndrome de répétition constitue un indicateur clinique distinctif de la névrose traumatique, se manifestant par des reviviscences des événements traumatisants, tant diurnes que nocturnes. Sofia Chraïbi, docteur en psychologie clinique et psychopathologie et psychanalyste, nous éclaire sur le sujet.
Aujourd’hui, deux perspectives se confrontent concernant la psychopathologie traumatique : le modèle américain du « post traumatic stress disorder » (PTSD), ou trouble du stress post-traumatique (TSPT) tel que définit dans le DSM-5, et le modèle franco-européen qui se base sur le concept de névrose traumatique.
La névrose traumatique est un trouble psychique qui apparaît suite à un choc émotionnel intense. Herman Oppenheim est le premier à utiliser le terme à la fin du XIXe siècle. Dans son livre Névroses traumatiques publié en 1888, il décrit 41 cas de symptômes psychiques et nerveux chez des survivants d’accidents ferroviaires, manifestant des crises d’anxiété réactionnelle et des reviviscences nocturnes sous forme de cauchemars.
« Au XXe siècle, c’est grâce à Louis Crocq et Claude Barrois, deux psychiatres militaires, que la notion de névrose traumatique s’est développée, notamment durant les deux guerres mondiales, souligne Sofia Chraïbi. Ils ont été des précurseurs dans l’étude du psychotraumatisme. »
Origines du traumatisme psychologique : premiers cas historiques
L’historien Hérodote est parmi les premiers à rapporter les conséquences d’un choc psychologique sur un guerrier athénien, Epizelos, après la bataille de Marathon. « Un événement inhabituel se produisit : Épizèlos, fils de Couphagorras, perdit brusquement la vue alors qu’il combattait vaillamment, sans avoir été touché ni de près ni de loin; il resta aveugle pour le reste de sa vie. Il expliqua son malheur en disant qu’il avait vu un homme grand, en armure, dont la barbe recouvrait tout le bouclier ; l’apparition l’avait épargné mais avait tué son compagnon à côté de lui. »
Depuis l’Antiquité, les « rêves de combat » chez les guerriers sont documentés par des auteurs comme Hippocrate ou Lucrèce. Au Moyen-Âge, on retrouve des descriptions cliniques de traumatismes psychiques et du syndrome de répétition chez des survivants, par exemple, après le massacre de la Saint-Barthélemy, Charles IX confie à Ambroise Paré qu’il est tourmenté par des rêves récurrents liés aux horreurs de cette nuit. Plus tard, pendant les campagnes napoléoniennes, les chirurgiens militaires parlent du « syndrome du vent du boulet » pour décrire l’état de sidération des soldats ayant frôlé la mort sans être blessés. La Première Guerre mondiale a vu émerger de nombreux « blessés psychiques », désignés sous des termes tels que « vent de l’obus », « obusite » ou « shell-shock ». « Les soldats étaient stupéfaits, confus, ne répondaient pas aux questions et revivaient les combats comme dans un film », décrit Louis Crocq.
Il faudra attendre les répercussions de la guerre du Viêtnam sur les vétérans pour que le concept de « Post-traumatic stress disorder », ou trouble du stress post-traumatique, soit intégré dans le DSM-III en 1980.
Qu’est-ce que le syndrome de répétition ?
Selon Louis Crocq, le syndrome de répétition « est pathognomonique – NDLR : c’est-à-dire un signe spécifique – de la névrose traumatique ou de sa version moderne dans la classification américaine : l’état de stress post-traumatique. » Ce syndrome regroupe un ensemble de manifestations cliniques où le patient revit intensément, malgré lui, son expérience traumatisante.
Les manifestations cliniques du syndrome de répétition incluent :
- la reviviscence hallucinatoire qui reproduit le cadre et la scène de l’évènement traumatique, que le patient croit revivre. Cette hallucination peut s’accompagner d’hallucinations auditives (les mêmes sons), olfactives (les mêmes odeurs) ou encore sensorielles (la chaleur d’un incendie, la sensation d’une balle traversant le corps…)
- la reviviscence par illusion : par exemple, lorsqu’un sujet croise un passant dans la rue et le perçoit comme l’agresseur qui vient vers lui.
- le souvenir forcé : se distingue des reviviscences par hallucination ou illusion en ce sens que c’est l’idée de l’évènement qui surgit dans l’esprit, sans image ni son, ou encore c’est le nom d’un camarade ou d’un parent décédé dans l’évènement, explique Louis Crocq.
- la rumination mentale : se manifeste généralement sous forme de questions incessantes qui hantent l’esprit de la victime : « pourquoi moi ? », « Et si j’étais arrivé cinq minutes plus tôt », etc.
- le vécu comme si l’événement allait se reproduire est une autre manifestation du syndrome de répétition : soudainement, en l’absence de tout contexte de reviviscence visuelle, le sujet a l’impression d’être replongé dans l’évènement, et il ressent la même détresse.
- l’agir comme s’il se reproduisait : se traduit par des réactions de sursaut ou de recroquevillement ; chez l’enfant, cela peut prendre la forme de jeux répétitifs reproduisant l’accident ou l’agression.
- enfin, le cauchemar de répétition fait revivre l’évènement traumatique au patient – même cadre, mêmes personnes, même frayeur, mêmes gestes de défense. « Sous l’effet de ces cauchemars, les anciens combattants s’agitent dans leur sommeil, crient, se débattent et se battent (certains essayent même d’étrangler leur femme !), et tombent de leur lit, réveillés en sursaut, en sueur et le cœur battant fort », écrit Louis Crocq.
Reviviscences, cauchemars, évitement, anxiété : quels sont les 4 grands symptômes du trouble du stress post-traumatique (TSPT) ?
Dans le DSM-5, le diagnostic du trouble du stress post-traumatique est similaire à celui de la névrose traumatique dans les classifications européennes. Le trouble du stress post-traumatique se distingue par quatre grands groupes de symptômes :
- des reviviscences diurnes sous forme de flash-back ou nocturnes (cauchemars) de l’événement traumatique, des pensées intrusives ;
- l’évitement des situations, des personnes ou des pensées rappelant le souvenir ;
- une hyperactivité se manifestant par un état d’alerte permanent avec sursauts, une irritabilité, des troubles du sommeil ;
- une altération négative des cognitions et de l’humeur : culpabilité, honte, colère, peur, tristesse…
« Le trouble du stress post-traumatique est un concept anglo-saxon. Le syndrome psychotraumatique, de conception francophone, a été élaboré à partir des névroses traumatiques de guerre par des psychiatres militaires de renom – Crocq et Barrois – avant de s’étendre à des catastrophes de petite échelle : accidents de la route, prises d’otages, viols…, insiste Sofia Chraïbi. Dans la névrose traumatique, le syndrome de répétition est le signe distinctif du trauma psychique tandis que dans l’état de stress post-traumatique défini par le DSM-5, il fait partie des critères diagnostiques B : présence d’un ou plusieurs symptômes d’intrusion associés à un ou plusieurs évènements traumatisants. » Et de conclure : « Malgré des similitudes, nous ne partageons ni la même nomenclature, ni la même terminologie. »
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