L’héboïdophrénie, bien que tombée en désuétude dans le domaine de la psychiatrie actuelle, continue de jouer un rôle dans le domaine de la médecine légale, où elle aide à comprendre les interactions complexes entre troubles mentaux et criminalité.
L’héboïdophrénie, autrefois courante en psychiatrie pour qualifier une variante de la schizophrénie marquée par des comportements antisociaux et un risque accru de comportement criminel, n’est plus utilisée dans le jargon médical et a disparu des classifications des troubles mentaux. Cependant, elle reste pertinente en médecine légale pour examiner les relations entre troubles mentaux et activités criminelles, selon Fabrice Berna, professeur de psychiatrie au CHU de Strasbourg.
L’héboïdophrénie est un concept obsolète en psychiatrie contemporaine. Premièrement décrite en 1885 par le psychiatre allemand Karl Ludwig Kahlbaum, elle était vue comme une « psychose juvénile », caractérisée par une immaturité affective et une désorganisation prononcée de la pensée.
Les caractéristiques de l’héboïdophrénie
À la différence d’autres types de schizophrénie tels que la schizophrénie paranoïde ou catatonique, l’héboïdophrénie se caractérise par son imprévisibilité et les comportements antisociaux qu’elle engendre, explique le Pr Berna.
Sur le plan comportemental et social, l’héboïdophrénie se manifeste par :
- un manque d’empathie ou de remords ;
- des comportements impulsifs et délictueux ;
- des écarts moraux, pouvant mener à des actes criminels.
Cette tendance à la criminalité, combinée à une rare présence de symptômes délirants ou hallucinatoires, rend ce diagnostic particulièrement difficile à classer. Elle semble naviguer entre les traits de la schizophrénie et ceux de la psychopathie, estompant les frontières entre ces deux catégories.
Rappel : quelle est la différence entre schizophrénie et psychopathie ?
La schizophrénie est un trouble mental caractérisé par des symptômes clés tels que délires et hallucinations, qui altèrent la perception de la réalité. « Ces symptômes peuvent parfois conduire à des comportements agressifs envers soi-même ou autrui, mais cette agressivité n’est pas une caractéristique intrinsèque du trouble, malgré ce que les médias peuvent parfois suggérer », précise le Pr Berna.
La psychopathie, souvent appelée trouble de la personnalité antisociale, ne comporte ni hallucinations ni délires, mais se manifeste par une impulsion forte, une intolérance à la frustration, et une tendance à violer les normes sociales si elles contrarient leurs intérêts. Dans les interactions sociales, ces individus utilisent souvent autrui pour atteindre leurs objectifs en les manipulant, souvent de manière froide et calculée, sans culpabilité ni remords, souligne l’expert.
L’héboïdophrénie, un concept contesté mais toujours utilisé en médecine légale
Le concept d’héboïdophrénie est désormais considéré comme obsolète et n’est plus présent dans les classifications psychiatriques modernes, insiste le Pr Berna. Néanmoins, il conserve une certaine utilité en médecine légale…
« Le terme d’héboïdophrénie est parfois invoqué dans des affaires criminelles pour décrire des profils à la frontière entre psychopathie et schizophrénie », explique le psychiatre.
Cette ambiguïté diagnostique est particulièrement utile dans les tribunaux, où l’enjeu est de déterminer si une personne relève davantage de soins psychiatriques ou de la responsabilité pénale classique. Pr Fabrice Berna.
Quels « symptômes » peuvent alerter les psychiatres judiciaires ?
Comme mentionné précédemment, l’héboïdophrénie peut induire des comportements antisociaux, voire criminels. Le rôle des psychiatres est d’analyser la structure mentale sous-jacente des personnes potentiellement concernées, d’évaluer leur degré de dangerosité pour anticiper les risques de passage à l’acte violent ou de récidive. Plusieurs signes peuvent les alerter :
Altération des affects
- Affects inappropriées. Les personnes concernées peuvent rire dans des situations graves ou montrer une indifférence émotionnelle face à des événements tragiques.
- Manque d’empathie. Elles peuvent avoir du mal à comprendre ou à ressentir les émotions d’autrui.
Comportements désorganisés
- Des actions impulsives. Leurs comportements peuvent sembler aléatoires, imprévisibles, ou inappropriés par rapport au contexte.
- Un manque de planification. Leurs actes délictueux ou antisociaux ne semblent pas réfléchis, mais plutôt spontanés, voire incompréhensibles.
Discours incohérent
- Troubles de la pensée. Leur discours est marqué par des associations lâches ou des idées fragmentées. « Il est difficile de comprendre la logique qui sous-tend certaines de leurs actions quand on les questionne », note le Pr Berna.
Désintérêt pour les normes sociales
- Isolement social. Les personnes concernées peuvent éviter les interactions sociales, ne pas se conformer aux normes de base ou adopter un comportement marginal.
- Manque de responsabilité. Elles peuvent aussi être indifférentes aux conséquences de leurs actes, notamment dans un cadre légal.
Comportements à risque ou provocateurs
- Recherche de sensations fortes. Elles peuvent prendre des risques inconsidérés ou se mettre volontairement en danger.
- Provocation. Elles peuvent aussi provoquer les autorités ou leurs pairs, souvent sans en mesurer les conséquences.
Potentiel de passage à l’acte
« Dans un contexte judiciaire, l’héboïdophrénie est évoquée face à des délits pour lesquels il est difficile de trouver un objectif clair. Ils apparaissent souvent incompréhensibles, car ils résultent d’une désorganisation mentale ou d’un besoin de répondre à un besoin immédiat, même si ce dernier est inadapté au contexte », indique le Pr Berna. Quelques exemples : vols sans motif apparent, violence impulsive, vandalisme gratuit, etc.
Refus de traitement ou faible insight
Les personnes atteintes d’héboïdophrénie sont souvent dans le déni et n’ont pas conscience de leur état. Par conséquent, elles peuvent refuser de suivre un traitement médical ou psychologique…
Héboïdophrénie : quelle prise en charge pour limiter les risques ?
Même si l’héboïdophrénie n’est plus officiellement reconnue comme un diagnostic, la gestion des symptômes associés (comportements psychotiques et antisociaux) peut être traitée par diverses approches thérapeutiques.
Traitement pharmacologique
Des antipsychotiques peuvent être prescrits pour traiter les symptômes psychotiques tels que les hallucinations et les délires. Ils aident également à diminuer le potentiel agressif, bien que cela ne soit pas une solution complète, précise le Pr Berna.
Psychoéducation
La psychoéducation aide à mieux comprendre la maladie et l’importance du traitement. Elle contribue également à prévenir les comportements antisociaux en les identifiant comme déviants et néfastes. Elle développe aussi des compétences sociales, notamment l’empathie envers autrui.
Réhabilitation sociale
Un aspect crucial du traitement consiste à aider le patient à se réintégrer dans la société, notamment s’il a un comportement criminel ou a été en conflit avec la loi. Des programmes de réhabilitation sociale peuvent être mis en œuvre, visant à renforcer les compétences sociales, professionnelles et émotionnelles pour limiter les passages à l’acte ou les récidives !
Suivi à long terme et soins en milieu fermé (si nécessaire)
Certaines personnes (très minoritaires) nécessitent malheureusement une surveillance continue, notamment si elles présentent des risques de violence ou de comportements criminels. Dans ces cas, un suivi psychiatrique régulier, en milieu hospitalier ou en établissement spécialisé, peut être nécessaire.
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